Il faut compenser l'absence par le souvenir. La mémoire est le miroir où nous regardons les absents. Joseph Joubert

jeudi 7 avril 2011

Entretenir le souvenir de toutes ces innocentes victimes

La Saulx est une rivière d’une longueur de 127 km qui prend sa source à Germay en Haute Marne. Elle coule au sud du Département de la Meuse, et serpente dans la vallée qui porte son nom entre la vallée de la Marne et la vallée de l’Ornain qu’elle rejoint à Etrepy sur le territoire de la Marne, et se jette avec lui dans la Marne avant Vitry le François. Tout au long de son parcours elle reçoit d’innombrables ruisseaux qui la grossissent en lui permettent d’avoir, même dans les étés les plus secs, un débit assez constant. Sur son cheminement elle traverse de nombreuses agglomérations, dont les cinq villages de Trémont-sur-Saulx, Robert-Espagne, Beurey-sur-Saulx, Couvonges et Mognéville. (Voir plan de situation en bas de ce blog) Ces cinq villages situés à mi distance entre Bar le Duc et Saint Dizier, sur l’axe qui relie Stainville à Revigny-sur-Ornain, sont devenus tristement célèbres le 29 août 1944. Ces communes se trouvaient en zone occupée, à la limite de la zone interdite. C’est dans cette vallée qu’à cette date ces lieux allaient devenir un Oradour Meusien. Ici l’armée allemande allait montrer au monde qu’elle était capable d’assassiner 87 innocents et d’incendier quasi entièrement trois de ces villages. Ce site n’a pas d’autre but que la volonté de maintenir la mémoire de toutes ces innocentes victimes.

Dans la colonne de droite, différents liens conduisent vers des sites se rapportant à ce martyrologe. Y sont logés également des liens vers des articles complémentaires déjà réalisés où à réaliser si d'autres personnes souhaitent nous en communiquer, comme par exemple des témoignages.

Nous avons essayé autant qu'il nous a été possible de le faire, de rattacher les victimes dans leurs familles généalogiques respectives. Pour aller sur leur fiche en ligne, il suffit de cliquer sur leur nom. Pour les victimes que nous n'avons pu rattacher, le lien conduira à leur fiche sur Mémorial GenWeb. Certains portraits ne sont pas d'une excellente qualité, mais ils ont le mérite d'avoir été communiqués. Un certains nombre  d'autres n'ont pu encore être retrouvés et c'est pourquoi nous sollicitions toutes les personnes pouvant en communiquer ou indiquer les coordonnées de celles susceptibles de pouvoir en fournir, en les remerciant par avance de nous contacter !

Mise à jour du 07.05.2012 : Nous venons encore de retrouver un certain nombre d'ascendances généalogiques concernant des victimes et nous les avons rattachées dans leurs familles généalogiques respectives. Cependant, il en reste encore un certain nombre pour lesquels nous manquons d'éléments d'information. Un état récapitulatif vient d'être dressé pour montrer les "manques" que nous souhaiterions pouvoir combler.  Merci à celles et à ceux qui pourront nous aider dans ce sens !  Pour consulter l'état, cliquer sur > MANQUES.

CROIX DE GUERRE

L’inscription des massacres dans l’espace, à la fois par la reconstruction, par les stèles et les monuments, s’est doublée très tôt d’une reconnaissance officielle. Le 29 Août 1949, le Général Zeller, Gouverneur de Metz, commandant la 6e région militaire, remet la croix de guerre aux quatre communes martyres de la Meuse au cours de cérémonies qui ont lieu en présence de Mr Louis Jaquinot, ancien Ministre Président du Conseil Général de Bar le Duc et Député de la Meuse. Robert-Espagne est cité à l’ordre de l’armée et reçoit la croix de guerre avec palme. La citation est la suivante :
 
«Le 29 Août 1944, le village de Robert-Espagne fut encerclé par des éléments de la 29e Division Panzer SS qui abattirent à la mitrailleuse cinquante-deux hommes âgés de 17 à 70 ans qu’ils avaient rassemblés sur la place de la gare. Puis ils mirent le feu au village dont soixante pour cent des immeubles furent détruits»

Ce document est signé par le Ministre de la Défense Nationale, Paul Ramadier, et par le secrétaire d’Etat aux forces armées, Max Lejeune.

ROBERT-ESPAGNE (1)

L'article concernant Robert-Espagne
est composé en cinq parties

Robert-Espagne est un gros bourg paisible de 900 habitants pour la majeure partie ouvriers employés aux fonderies, papeteries et bleueteries environnantes. A Robert-Espagne ce mardi 29 août 1944 vers 9 heures plusieurs camions bondés d’Allemands fort excités, envahissent la propriété de Mr.Scherer, Maître de Forges à Pont sur Saulx (écart de Robert-Espagne situé à 500 mètres du village). Durant toute la matinée, les camions font le va-et-vient, ramenant de Robert-Espagne le produit de leurs vols. Rencontrant quelques ouvriers se rendant à leur travail, ils les obligent à rentrer au village : «On ne travaille pas aujourd’hui», leur disent-ils. Sur le coup de midi, au moment où chacun s’apprête à se mettre à table, de fortes explosions retentissent. Les S.S. viennent de jeter des grenades dans le bureau de poste, et détruisent les appareils téléphoniques, isolant ainsi complètement Robert-Espagne.
Vers 13h30, un camion venant de Beurey cette fois, s’arrête à l’entrée de Robert-Espagne. Une quinzaine d’Allemands en descend. Quelques-uns pénètrent dans la ferme de Mr. Tabary, fouillent le logement, saccagent meubles et bibelots, brisent aussi le téléphone et mettent le feu à la maison et aux dépendances : c’est le début de l’incendie. Mme. Tabary, ses quatre enfants et quelques voisins se sont réfugiés dans la cave. Un Allemand armé d’une mitraillette les menace tous et monte la garde à l’entrée de la cave ; les oblige à y rester pendant que l’incendie se propage. A ce moment Mr. Paul Bon ignorant le danger sort de la cave : le boche l’abat froidement d’une rafale dans le dos (c’est la première victime à Robert-Espagne). Le malheureux s’écroule aux pieds de Mme. Tabary horrifiée et criant d’horreur, elle essuie une seconde rafale qui fort heureusement la manque de peu. Puis les sauvages quittent la ferme, les occupants sortent de la cave pour un endroit moins dangereux.
C’est alors que commence la chasse à l’homme dans le village. L’ennemi traque les hommes, ceux qui n’ont pas la chance de passer entre les mailles du filet sont conduits sur la place de la gare. De là, ils verront le village qui commence à brûler. Quelques instants après, un camion arrive amenant un officier et une vingtaine d’hommes tous armés. L’officier, debout dans une voiture, la mitraillette à l’épaule, hurle des ordres. Tous les militaires descendent du camion et emmènent les captifs 200 mètres plus loin, aux abords de la petite gare. Quelques-uns les font aligner sur trois rangs sur les rails du chemin de fer, le dos tourné au talus, pendant que les autres mettent trois mitrailleuses en batterie l’une face au groupe, les deux autres de chaque côté. A la petite gare il est entre 14h45 et 15h, soudain, sur un signe de l’officier, les trois armes automatiques crépitent ensemble, crachant la mort par de longues, très longues rafales. Sous ce déluge de projectiles les jambes se brisent, les ventres se déchirent, les poitrines s’ouvrent, les crânes éclatent, 49 malheureux innocents s’écroulent sans un mot, pêle-mêle, sur le ballast et les rails de chemin de fer. Leur crime accompli, et devant le monceau de cadavres, d’autres, à coups de pistolet, s’appliquent à donner le coup de grâce à ceux qui ont encore quelques sursauts d’agonie. En même temps que les assassins accomplissent l’irréparable à la petite gare, d’autres mettent le feu au village. C’est ainsi que 200 maisons sur 300 partent en fumée. La situation devient trop dangereuse, il faut quitter les lieux, il n’y a plus âme qui vive à Robert-Espagne. Une partie de la population épargnée a gagné les bois de Trois Fontaines tout proches, d’autres, ont fui vers la côte Peûchot et gagné les souterrains du Plapier, un autre groupe s’est sauvé par le chemin de Renesson, ces fuyards se sont terrés derrière le château "Le Ralliement", là tout près du lieu du crime, ils ont entendu la fusillade et les gémissements des suppliciés. Alors, les barbares abandonnent le lieu du massacre, non sans mettre consciencieusement le feu aux maisons environnantes. Ils rejoignent leurs camarades et tous ensemble pendant la soirée et une grande partie de la nuit partagent leur temps entre l’incendie et la bombance : incendie de Robert-Espagne, maison par maison, bombance au château de Pont sur Saulx où sont amenés tous les produits de leur rapine …









ROBERT-ESPAGNE (2)

… Il n’y a plus âme qui vive à Robert-Espagne. Les hommes épargnés ont gagné les bois ; les femmes, les enfants, les vieillards sont disséminés dans la campagne, beaucoup sur  le bord de la rivière qu’ils n’ont pu franchir. Ils ont fui les uns les mains vides, n’ayant pas songé à prendre le moindre objet tant leur affolement était grand, les autres qui avec une valise, qui avec une brouette chargée de choses hétéroclites. Ils ont tous entendu vers 15 heures le long crépitement des mitrailleuses sans se douter du terrible drame qui s’accomplissait là-haut. Une partie de l’horrible nouvelle ne commence à se répandre que tard dans la soirée et encore beaucoup ne la connaîtront que le lendemain ou le surlendemain. Toute ces malheureuses gens passent leur première nuit dehors, l’estomac vide grelottant de froid, dévorés d’inquiétude sur le sort des absents, suivant les progrès de l’incendie qui, inexorablement, se propage de maison en maison, anéantissant toutes les choses chères amassées depuis des générations. Des coups sourds retentissent souvent : ce sont, tout près, les grenades incendiaires jetées par les vandales et qui allument de nouveaux foyers d’incendie ; plus loin, les coups de quelque canon qui annoncent l’approche de la bataille finale et l’arrivée prochaine des libérateurs. Et le jour se lève qui ne calme pas l’incendie, car l’Allemand est de nouveau revenu pour achever son œuvre de destruction.Cependant quelques habitants, malgré la crainte d’un retour inopiné des assassins, se sont enhardis à venir jusque sur le lieu du massacre. Il est difficile de décrire le spectacle qu’alors ils découvrent : ces yeux grands ouverts où se lit la folle épouvante des derniers instants, ces cranes défoncés,ces poitrines béantes, tous ces bras levés à hauteur du visage qu’ils ont voulu vainement protéger, ces corps enlacés, père et fils, pour mourir ensemble, tout ce sang répandu, quelle horreur !!!
Ces terribles nouvelles parviennent peu à peu aux malheureux terrorisés : 30, 40, 50 hommes sont tués là haut !  L’on commence à citer quelques noms. Et il y a autant d’horreurs à Beurey, Couvonges, à Mognéville, paisibles villages voisins qui brûlent en même temps. Les mères de famille vivent dans des transes folles, angoissées sur le sort des absents craignant pour les enfants qui se serrent autour d’elles. La seconde nuit passe encore partiellement éclairée par le rougeoiement des incendies qui n’ont pas cessé, mais cependant décroissent. Beaucoup de ceux du dehors ont l’impression qu’il ne reste plus rien à Robert-Espagne. Les coups ont cessé dans le village, un silence de mort y règne. Alors, au point du troisième jour, quelques isolés d’abord, puis des groupes plus nombreux se rapprochent, s’enhardissent et pénètre au milieu des ruines fumantes pour mieux juger de l’étendue de la catastrophe. Que de larmes, que de sanglots, que de cris déchirants devant un tel malheur ! Telles femmes ont perdu en quelques instants leur époux et leur foyer telles autres leur époux, leur fils, ou leur gendre et leur demeure ; combien de veuves, de mères et d’orphelins éplorés ! Combien de famille sans logis, sans vêtement, sans rien !
Vers midi, une mauvaise nouvelle se répand encore : Firmin Beaudaux, brave père de famille qui avait pu se dissimuler dans les bois avec quelques camarades, vient d’être abattu par quelques traînards allemands qui l’on rencontré. C’est la cinquante et unième victime de la barbarie nazie ! … Enfin, au cours de l’après-midi du jeudi 31 août, l’arrivée imminente des Américains est signalée. Et peu après, une interminable colonne motorisée fait son entrée dans le village qu’elle traverse dans toute sa longueur au milieu des ruines fumantes, accueillie par la population effondrée mais courageuse. Beaucoup de libérateur ne peuvent retenir des larmes en contemplant une telle catastrophe, eux qui pourtant ont déjà rencontré bien des ruines et des misères sur le sol de France qu’ils délivrent jour après jour. 
Les corps - une plaque de zinc au poignet droit - furent inhumés dans des draps sans cercueil, le vendredi, au dessus du talus. Ils furent placés côte à côte et les petites croix qui dominaient les tertres se touchaient. Sur la demande des familles, les corps furent exhumés entre le 17 et 18 octobre pour être placés dans des cercueils. Plusieurs dépouilles furent inhumées au cimetière ; d’autres furent reconduites aux lieux de leur naissance, mais trente corps qui évoqueront pour les générations futures le drame terrible du 29 août 1944, furent ré-inhumées sur le tertre. Le bilan de ces terrifiantes journées des 29 et 30 août 1944 à Robert-Espagne se résume ainsi : 51 innocents, sauvagement abattus, 200 maisons complètement incendiées sur 300, 184 foyers détruits sur 300. Sur les 215 enfants de moins de 14 ans que comptait Robert-Espagne, 120 ont été sinistrés, 36 ont eu leur père fusillé, 16 ont à la fois perdu leur père et leur foyer ; 75 seulement n’ont pas été directement atteints par sinistre.
Source brochure «Libération Sanglante de quatre village Meusien». En vente à la mairie de Robert-Espagne.










ROBERT-ESPAGNE (3)

Mon analyse et mon intime conviction.
La campagne de 1940 a fait peu de victimes et de destructions, le nombre de prisonniers de guerre et de travailleurs requis pour le Service du travail obligatoire est resté faible, tout comme celui des déportés…Jusqu’à la fin du mois d’août 1944, la présence militaire allemande est elle-même très réduite, seuls quelques ''vieux '' soldats gardant ici et là des poste de contrôle aux abords de la voie ferrée Revigny- St-Dizier. En définitive, fin août, la population attend avec une certaine sérénité et beaucoup d’espoir la libération, devenue une certitude après le débarquement en Normandie, en Provence et l’entrée à Paris le 24 août des premiers chars de la 2e division blindée du Général Leclerc, des Résistants Français ayant rejoint le Général De Gaulle à Londres, et avec l’aide de la III armée américaine. Le 25 août le gal. Von Choltitz gouverneur militaire de Paris capitulait. Alors que l’essentiel était d’attendre les libérateurs, en restant tranquille, était-il nécessaire et indispensable pour une poignée de ''résistants'' de dernières minutes de Robert-Espagne, piliers de bistrot pour la plupart, (soi-disant envoyés pour saboter un train), de faire le coup de feu sur les allemands qui gardaient le pont et le tunnel de la ligne de chemin de fer, sur le territoire de Baudonvillers. Alors que les troupes meurtrières du chancelier du 3em Reich en déroute, repartaient en toute hâte vers leur antre lointain, 51 Français de Robert-Espagne payaient de leur vie la faute d’une poignée d’inconscients. Par qui ces huit pseudo-résistants étaient-ils commandés ? De quel réseau faisaient-ils partie ? D’où venaient les armes utilisées pour tirer sur ces soldats allemands ?  Autant de questions laissées sans réponses par le rapport établi le 12 avril 1945 par Léon Hurel Maréchal des Logis Chef de gendarmerie, commandant la brigade de Robert-Espagne ? Il y avait plusieurs réseaux de résistants à Saint-Dizier ''Réseau Communiste Mauguet'' et '' Réseau Maquis du Val''. (Raoul Laurent qui commandait le réseau Maquis du Val est devenu Maire de Saint-Dizier, ceci est la preuve qu’il s’agissait d’un réseau sérieux). Ces huit pseudo-résistants de Robert-Espagne ne faisaient hélas en aucun cas partie de ces réseaux. Il est écrit (au conditionnel) dans la brochure de la Société des Lettres, science et Arts de Bar le Duc en 1999, «que ce groupe de résistants dépendait du commandant Langlois, un des responsables de la résistance à Bar le Duc» ? Rentrés au village entre 9h30 et 11h45 après leur ''beau fait d’armes'', ces ''résistants'', n’ont pas oublié de fuir pour se cacher dans les bois quand ils ont appris que l’on rassemblait les hommes du village, ils auraient peut-être pu aller sur le lieu de rassemblement afin de tenter de sauver ces pauvres et innocentes futures victimes, cause de leur égarement, cela aurait été grandiose de leur part. Mais il leur aurait fallu en ce cas, beaucoup plus de courage !... Ces ''résistants'' qui, le 28 août 1944 selon les dires de Madame TABARY Olga veuve d’une victime, interrogée par les gendarmes, sont venus se ravitailler chez elle, et leur ayant demandé s’ils ne craignaient pas de tomber sur une patrouille allemande, l’un d’eux lui a répliqué : «nous en avons bousillé un hier soir» donc le 27 août. Où a-t-il été tué cet allemand ? Qu’est devenu son corps ? L’enquêteur n’a même pas posé de questions aux pseudo-résistants sur cet épisode, était-ce de la vantardise de la part de ces inconscients? Voici beaucoup d’interrogations qui ne seront plus jamais élucidées. Ces ''résistants'' qui revenaient au village après la tragédie et plusieurs jours de fuite dans les bois, avec des brassards neufs et propres (un des signes qui me fait dire qu’il s’agissait de résistants de dernières minutes), ce genre de résistants qui poussent comme des champignons après un orage. Il est bien entendu que je ne mets pas tous les résistants de France à la même enseigne. Ceux du Vercors étaient mieux structurés, de même que ceux de la SNCF, ou de St.Dizier, et encore bien d’autres, plus sérieux que ceux de Robert-Espagne. Je pense que tous ces meurtres auraient pu être évités sans l’action stupide de ces excités, qui ont coulés pour certains une vie tranquille et sans rendre compte de leur geste, dans notre village. Ils ont eu quand même 51 homicides sur la conscience, peut-être que pour certains, le sommeil par la suite a du être difficile à trouver, cela n’aura été hélas que leur seul châtiment !...  Je pense que les auteurs des massacres du 29 août 1944 et la bande  de pseudo-résistants citée plus haut se partagent une lourde responsabilité. Après Oradour-sur-Glane (Haute-Vienne), Maillé (Indre et Loire), Tulle (Corrèze) et Ascq (Nord), la tuerie de la vallée de la Saulx figure parmi les cinq grands massacres commis en France par des soldats allemands en 1944. Alors que les premiers sont l’œuvre des SS, celui des quatre villages meusiens a été commis par des militaires de la Wehrmacht. 
Jean Pierre FRAICHE




Père de Jean Pierre FRAICHE initiateur du présent blog 








ROBERT-ESPAGNE (4)

                                        Jeudi 28 décembre 1944                                                        
Une grande place entoure l’église. La neige, silencieusement, va bientôt la couvrir : cet immuable phénomène au lieu de revêtir Noël de son charme traditionnel va cette année donner un linceul à nos ruines et réveiller notre douleur. Noël, la fête la plus parfaite de l’intimité familiale, ne manque pas de provoquer des larmes secrètes, des étreintes soudaines, des évocations poignantes.
Habitants des villages, restés debout et vivants, vous parlez de Noël en gémissant sur le temps présent. Chez nous, il reste des pierres empilées et des os. Il est tout naturel que nous soyons terriblement émus à la pensée des Noëls d’avant-guerre. Je vois le soir, dans nos familles, des jeunes gens tristes et des femmes qui parlent des hivers d’autrefois avec des soupirs interminables.
On revoit le passé comme une image d’autant plus nette qu’il n’en reste que des traces. On ne voit tout que par le néant. La grand’ rue illuminée, des épiceries achalandées de gibier, pâtisseries, vins et liqueurs, des vitrines étincelantes où s’attardent les gosses le soir après la classe.
On se retrouve ailleurs, on est à table, en famille, autour d’un festin. Le clocher veillait alors sur des foyers réjouis : la messe de minuit illustrait pour mon cerveau d’écolier de neuf ans les légendes seigneuriales du moyen Age ; « Les gosses » passaient leurs vacances sur des traîneaux, s’ébattaient dans la neige de la côte des Hattons jusqu'à celle de Beurey. Et les vacances glissaient plus vite que nous. Le jour de l’an réunissait les familles ; des groupes de trois ou quatre personnes emmitouflées, montaient, descendaient, s’arrêtaient dans cette même grand’ rue.
1940 : Le clocher domine encore un village résigné qui opprime son espérance et étouffe sa joie.
1941-1942 : Il est encore permis ce soir-là, de se réunir pour espérer. La fièvre monte, sans angoisse.
1943 : Des absents, des malades, des morts déjà. On devient froid comme l’hiver et on attend le printemps. On espère dans les maisons vides où stagnent les souvenirs. Les vivants parlent d’une voix cassée, étrange.
1944 : Les rayons de soleil font l’effet d’une piqûre de morphine.
Les petits enfants jouent dans les rues calmes ; L’été, le frisson, une attente brûlante, une trépidation des âmes, l’écoute des nouvelles jusqu’à minuit, le 27 août, Vitry-le-François, vallée de la Saulx, est-ce possible ? La libération pour demain ? Non !
Un cadavre de village. Et aujourd’hui, il reste un ossuaire d’hommes et de maisons, de foyers : tel est le «chez nous» de Noël 1944.
Nous n’avons plus que la grande maison pour espérer.
                                       Article écrit par Mr.Camille ADNOT -Ancien instituteur à Robert-Espagne











ROBERT-ESPAGNE (5)

POÈME DU SOUVENIR
Pour perpétuer le 29 août 1944, Mme Huentz-Buecher de Bar le Duc écrivait ceci.
Merci mes amis, pensez-vous encore quelquefois à ceux-là qui sont morts, par un beau mois d’été, pleins de projets en tête et d’espoir dans le cœur ?Le matin même encore, ils se disaient peut-être j’achèterai un champ, j’agrandirai la ferme quand le fils reviendra. Et quand nous serons libres, comme la vie sera belle et comme nous le saurons.
Déjà, on entendait, au loin, la délivrance approcher à grand pas.
L’ennemi en déroute traversait les villages, ses chars et ses camions, remplis d’hommes sauvages, au masque impitoyable, aux fusils menaçants. Soudain, une de ces hordes, s’arrêtant au passage, choisissant ce village paisible et souriant, ramassa tous les hommes, quel que fut leur âge, les regroupa à l’écart, sur une voie de garage, contre un talus herbeux, couvert de fleurs des champs.
Des soldats chassèrent les femmes dans les rues, mirent le feu aux maisons, incendièrent les fermes, cependant que les autres, avec leurs mitraillettes, abattaient tous les hommes, sur le talus fleuri. Alors ils jugèrent leur devoir accompli. Après, deux jours entiers de pillages et de meurtres, la horde repartit vers son antre lointain.
Hébétés et meurtris, les survivants revinrent ensevelir les morts et relever les cendres de leurs foyers détruits. Trente années ont passé, et le petit village reconstruit et pimpant a retrouvé
un air de nouvelle jeunesse, masquant ses plaies secrètes au touriste pressé. Mais il est un endroit, à l’entrée du village, en haut d’un talus vert, surmonté d’une croix : c’est une rangée de tombes, discrètes et fleuries. Quand je suis trop joyeuse, j’ai mauvaise conscience.
Il faut que je l’avoue à ceux qui dorment là que je les remercie, car ils en sont la cause, et si je suis heureuse, c’est grâce à tous ceux-là.
Mme HUENTZ-BUECHER. (Août 1974)










 VARINOT Henri

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L'enquête permit d'identifier les auteurs du massacre comme appartenant au 29e régiment de la 3e division de Panzer-Grenadiers, commandée par le général major Hans Hecker : une unité de la Wehrmacht. L’affaire fut confiée au tribunal militaire de Metz qui identifia 8 militaires allemands (sur la cinquantaine qui aurait participé aux exactions). En 1950, l’instruction s’acheva mais les 8 inculpés (4 officiers, 2 sous-officiers et 2 soldats) étaient en fuite. Le jugement fut rendu le 28 mai 1952 et les condamnations furent prononcées par contumace : 4 condamnations à mort et 4 condamnations aux travaux forcés à perpétuité.
 
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