… Quatre hommes qui ont pu fuir sont découverts. L’un deux, jouant sa dernière carte, envoie un magistral coup de poing en plein visage de l’Allemand qui veut l’emmener et profite de l’ahurissement du boche pour s’enfuir non sans essuyer une rafale de mitraillette qui le manque. Mais ses trois compagnons sont amenés sur le lieu du massacre et ont tout loisir de contempler l’affreuse tuerie. On retrouvera leurs trois cadavres alignés côte à côte à quelques mètres du charnier, chacun avec une balle dans la nuque. Vers quatorze heures, l’un des soldats allemand qui participe à la recherche des hommes, en découvre deux dissimulés dans une cave. Il les en fait sortir car le feu ne va pas tarder à gagner leur demeure et, en passant par les derrières des maisons, les amène discrètement dans la maison du Maire où ils sont en sûreté avec les membres de la famille de ce dernier gardés à vue depuis ce matin. Un peu plus tard, le même soldat revient et profite d’un instant d’inattention de la sentinelle pour entrer rapidement en conversation avec M. Leblan qui reconnaît en lui le conducteur du side-car du capitaine. Il lui déclare en très bon français être Alsacien et non Allemand et avoir été enrôlé de force dans cette unité.
- «Nous avons reçu l’ordre de brûler ces villages et de fusiller les hommes en représailles des actions des «terroristes », ajoute-t-il, j’ai fait l’impossible pour sauver ce que j’ai pu, j’ai averti à temps la population de Beurey, et c’est grâce à mon intervention que ce matin, vos deux fils ont été sauvés.»
Et il termine ce court entretien en lui clissant dans la main une feuille de carnet sur laquelle il vient de griffonner son adresse.Un Allemand conduisant un side-car averti aussi certaines personnes de Mussey de ce qui ce passait dans les environs et qui pourrait bien se produire chez eux.
C’est probablement le même soldat… pourquoi donc ne s’en est-il pas trouvé un dans la horde qui opéra à Robert-Espagne ? Toute la population de Couvonges : femmes, vieillards, enfants et malheureusement quelques hommes seulement ont fui à travers champs pour se cacher dans les buissons et les bois voisins d’où ils suivent parfaitement les progrès de l’incendie qui anéantit ce qu’ils possèdent. Et pendant que tout brûle, les pillards se rassemblent dans la demeure du Maire et font ripaille avec toutes les victuailles et tous les vins qu’ils ont pris soin de voler avant d’accomplir leur œuvre de destruction. Vers 22 heures, toute la bande s’entasse dans ses véhicules et s’en va, les uns disent vers Mognéville, les autres vers Mussey. Le feu continue à faire rage durant toute la nuit ; les toitures, les pans de murs s’effondrent avec un bruit sinistre projetant en l’air des gerbes de flammes et d’étincelles, les tuiles surchauffées éclatent. Le ciel est embrasé par les lueurs des incendies dans les quatre communes. A l’aube du mercredi 30 août, après une nuit d’angoisse et de terreur, quelques femmes osent rentrer chez le Maire dont à peu près seule la demeure est épargnée. Deux hommes en loque rejoignent les rescapés. Les nouveaux venus ignorent toute l’étendue de la catastrophe. Ceux qui la soupçonnent n’osent rien dire. Personne ne se montre car à chaque instant des voitures ennemies passent sur la route devant la maison et les coups de canons se font entendre plus distincts, plus rapprochés. La journée s’écoule interminablement longue. Ces femmes, ces enfants, ces mères qui ont vu emmener leur mari ou leur fils sont saisies d’une anxiété qui va croissant. Que sont-ils devenus ? Vers le soir, quelques-unes folles d’angoisse, se hasardent à leur recherche et ne tarde pas à découvrir les vingt-trois cadavres des martyrs.
Le lendemain 31 août, vers 15 heures, alors que presque toute la malheureuse population de Couvonges est revenue pleurer sur ses morts et sur ses ruines, les premiers Américains font leur entrée dans le village apportant, avec le réconfort de leur présence, la délivrance tant désirée mais si chèrement acquise. Le petit village de Couvonges perd 26 de ses hommes sur 44. Les victimes sont âgées de 17 à 85 ans ; il y a, comme à Robert-Espagne, des familles particulièrement éprouvées où il manque le père, le fils, le gendre ; 54 maisons sur 60 sont détruites et, sur 120 habitants, 102 sont totalement sinistrés. C’est assurément le village qui, ici, a été le plus durement frappé. Les corps des malheureux fusillés ont été inhumés dans le petit cimetière communal qui, serré autour de la très ancienne église, domine les ruines. Deux grandes croix noires, faites, comme à Robert-Espagne, de deux poutres calcinées, se dressent seules sur le lieu des massacres. Par la suite, un mur sur lequel ont été inscrits les noms des victimes, a été érigé entre les deux croix.
Les Allemands sont passés par là !...
Source brochure «Libération Sanglante de quatre village Meusien». En vente à la mairie de Robert-Espagne
1 commentaire:
Merci pour cet émouvant témoignage.Ma grand-mère qui vivait à cette époque à Robert-Espagne ne nous en avait jamais parlé (sans doute traumatisée par tout cela)!!!
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